EN

Les Carnets
de Josée Fiset

Inspirer Cuisiner Partager Biographie
Retourner aux articles

Partager via:

Le sarrasin ou le « blé noir des belles histoires »

« Ménage, pis parle pas ! » C’est le genre de réponse que Séraphin Poudrier servait à sa belle Donalda si elle se risquait à demander un peu de mélasse pour adoucir ses galettes de sarrasin. Dans les années 1950, les yeux du Québec en entier étaient rivés sur Les belles histoires des pays d’en haut. Et si le comédien qui jouait l’avare a été à jamais stigmatisé par son rôle ingrat, l’étoile du sarrasin a elle aussi été longuement ternie par la misère nouère à laquelle il était associé. Il a fallu quasiment 50 ans pour que soit redécouvert l’or qui sommeille dans ces semences en forme de petits baluchons de fées, indissociables de notre histoire.

SON ADN : Le sarrasin n’appartient pas à la famille des blés, ni même à celle des céréales, il est le cousin de la rhubarbe ! Contrairement aux étendues compactées d’épis dansants dans lesquels les

vedettes d’Hollywood n’ont de cesse de s’engouffrer pour se rouler des pelles, une plantation de sarrasin est peuplée de tiges informelles d’un beau vert tendre garnies de feuilles en forme de cœur et de jolies fleurs blanches odorantes.

SA POLYVALENCE : La crêpe et la galette : destin unique du « blé des pauvres » ? Rien n’est plus faux. En grains entiers, le sarrasin se cuit comme du riz, alors on le sert en pilaf ou en sarrasoto (un risotto, sans riz). En flocons, il défie sérieusement l’avoine, tandis que réduit en poudre, il rehausse pains, gâteaux et pâtisseries. Il doit en revanche être mélangé à d’autres farines, car il est exempt de gluten. Les Italiens et les Japonais utilisent le sarrasin pour confectionner des pâtes qu’on adore : respectivement les pizzoccheri et les nouilles soba. En Inde, ce sont les jeunes pousses et les feuilles de la plante qui passent à table. Lorsqu’on grille le sarrasin, sa saveur s’intensifie et devient légèrement fumée. Les Japonais l’infusent alors avec du thé vert pour produire le sobacha, une boisson détoxifiante et antioxydante à consommer sans modération. En Russie, en Ukraine et en Pologne, on cuisine également ses grains rôtis depuis des siècles, autant en sucré qu’en salé. Son goût délicat de noisette se marie si bien avec les champignons, les fruits séchés et les noix. Donc oui, des crêpes et des galettes, mais pas que !

SES POUVOIRS : Côté bienfaits, la liste est longue. Le sarrasin est très digeste. Bourré d’antioxydants, et riche en fibres, en vitamines et en oligo-éléments, il est aussi empli de minéraux, notamment de magnésium, de cuivre et de manganèse. Le sarrasin représente une source incroyable de protéines végétales.

SA CULTURE : Les plus grands producteurs de sarrasin sont la Chine et la Russie, où sa consommation n’a jamais faibli. En Amérique du Nord, il a longtemps été le grain le plus consommé par les classes ouvrières et paysannes, mais entre 1918 et 1964, le nombre d’hectares consacrés à sa culture aux États-Unis est passé de 400 000 à 20 000. Une courbe semblable a été observée de notre côté de la frontière. Après des décennies de décroissance au profit de cultures plus musclées et mieux encadrées, comme le maïs ou le soya, l’attrait pour le sarrasin connaît un regain. Les intolérances au gluten ne sont pas étrangères à cet éveil. Le sarrasin a le mérite de pousser dans les terres inhospitalières. Il a la propriété d’aérer le sol et de le « nettoyer » de ses mauvaises herbes. Peu sujet aux maladies, il se passe aisément d’engrais et de pesticides, ce qui permet aux abeilles de butiner ses fleurs sans danger et de produire un miel sombre et puissant. Les consommateurs soucieux de leur empreinte carbone trouveront sans peine un produit cultivé localement : la région de Louiseville en est le royaume. Cette année, autour de l’Action de grâces, le Festival de la galette de sarrasin s’y tiendra pour une 40e fois.

SA PÉRENNITÉ : La farine de sarrasin est fragile. Aussi, on conseille de la conserver dans un contenant hermétique au réfrigérateur ou, encore mieux, au congélateur.

Par Donia Demers

Inspirer

La matière La soupane revival l’avoine (flocons) La mise en scène L'assemblage cet art subtil

Cuisiner

La récup Génie en herbes La rentrée salade en pot

Partager

La rencontre La rentrée... quel bonheur ! La découverte Pour de l’énergie au carré !