La soupane revival l’avoine (flocons)
PAR CÉLINE TREMBLAY
Réflexe de Pavlov : avoine égale gruau — soupane, dans l’ancien temps. Le matin. Point. Mais si on y pense un peu, émergent des ténèbres le müesli à l’avoine rôtie, les carrés aux dattes et la croustade aux pommes, si bonne avec un peu de cardamome. In extremis resurgissent les biscuits à l’avoine façon Oréo. Avec leur crémage au beurre de pinottes, ils sont trop !
On le sait bien, la texture délicate de l’avoine fait merveille en paysages édulcorés. On le sait moins bien, la céréale au goût noisetté requinque autant salades et ragoûts que pains et soupes. Avec elle, on fait du risotto, des falafels et du chili, du lait et de la bière aussi. Dans le Michigan, une glorieuse microbrasserie a mis au point une Breakfast Stout unissant la graminée à une double dose de chocolat et à deux types de café. Les connoisseurs qualifient d’extase l’expérience de cette potion d’un noir impénétrable qui se veut bue au petit-déj, le mercredi.
Cela dit, avant d’être unie au houblon et d’être couronnée reine de la barre tendre, l’avoine en a mis du temps… Probablement plus de 4000 ans. Les origines et l’évolution de cette céréale déclinée en de nombreuses espèces et sous-espèces nommées avec assez peu de poésie — avoine rude, avoine maigre, avoine courte, avoine nue — demeurent obscures. Il est possible que l’avoine ait eu pour berceau une région qui s’étend de la Turquie aux plateaux du Turkménistan en passant par l’Iran.
On sait en tout cas qu’elle a été introduite en Amérique du Nord par les colons européens à une époque pour le moins fertile. Au même moment où Don Quichotte prenait forme sous la plume de Cervantes et où Roméo et Juliette naissaient de l’imaginaire de Shakespeare, l’avoine prenait racine dans un climat et une terre, notre terre, favorisant son épanouissement.
Le Canada est aujourd’hui le plus important exportateur au monde de cette plante qui se voit redécouverte et qui ne perd à peu près rien de ses éléments nutritifs après le décorticage. De toutes les céréales, l'avoine est la plus riche en lipides, principalement des acides gras insaturés. On prête au bêta-glucane, une fibre qui lui est toute particulière, le pouvoir de réguler la glycémie et le cholestérol — ses fibres solubles piégeraient le mauvais cholestérol dans le tube digestif et le chasseraient du corps —, et de prévenir le diabète. L’avoine encourage la formation de globules rouges et la production de sérotonine. Elle réduit la pression artérielle et lutte contre l’anémie.
Théoriquement, elle ne contient pas de gluten, mais il n’est pas rare qu’elle ait été en contact avec des produits qui, eux, en contiennent. De plus, on a noté chez certaines personnes une réaction allergique aux protéines d’avoine, les prolamines. Par conséquent, la Fondation québécoise de la maladie cœliaque encourage une introduction progressive de l’avoine nue.
Tiges dressées, grappes florales lâches, petits épis retombants, fleurs hermaphrodites pollinisées par le vent... Jouissance. C’est à cet état de félicité que réfère en sanskrit ancien le terme « avana ». De là à « avena », avoine en latin, il n’y a qu’un tout petit grain !
Nue, vêtue, découpée ou broyée ?
AVOINE NUE L’avoine nue est une variété en soi. Lors de la récolte, son grain perd entièrement son enveloppe. Sa texture est croquante et sa saveur, sucrée, beurrée, aux accents de noisette. On la cuisine en risotto ou comme un riz sauvage — on la surnomme d’ailleurs « riz de la Gaspésie ».
AVOINE ÉPOINTÉE Aussi appelée « avoine irlandaise » ou « écossaise », cette avoine est très nutritive, car très peu transformée. Ses grains entiers sont fendus en deux ou trois parties. Sa texture est ferme et sa saveur rappelle la noisette. Temps de cuisson : jusqu’à 60 minutes.
FLOCONS D'AVOINE Grillés, décortiqués, cuits à la vapeur puis aplatis avec des pilons géants. Cette avoine « à l'ancienne » forme la base du müesli et du granola. Temps de cuisson : environ 20 minutes.
FLOCONS D'AVOINE À CUISSON RAPIDE Afin de réduire le temps de cuisson, ces flocons ont été découpés avant d'être cuits à la vapeur et aplatis. Ils sont indiqués pour la préparation d'aliments cuits au four.
FLOCONS D'AVOINE À CUISSON INSTANTANÉE Ces grains sont découpés, précuits, séchés et cuits à la vapeur avant d’être aplatis, ce qui explique leur pauvreté nutritionnelle. Ils sont souvent aromatisés et additionnés de sel et de sucre.
FARINE D'AVOINE La farine d’avoine apporte aux aliments cuits au four un goût de noisette et une texture moelleuse et friable. Dans les préparations, il est possible de remplacer jusqu'à un tiers de la farine tout usage par de la farine d’avoine sans affecter le résultat attendu.
SON D'AVOINE Le son d'avoine correspond à l’enveloppe qui recouvre le grain. Il renferme la plus haute teneur en fibres solubles. On le consomme en tant que céréale chaude ou on le saupoudre sur des aliments préparés. Comme il est susceptible d’avoir été en contact avec des produits chimiques, il est recommandé de rechercher la certification bio.
AVOINE COLLOÏDALE L’avoine est prisée pour ses vertus anti-inflammatoires, émollientes et adoucissantes. Moulue en une poudre extrêmement fine et saupoudrée dans l’eau du bain, elle soulage les irritations et les démangeaisons, et hydrate, adoucit et protège la peau.
Il est là l’ennemi ?
Un bruit court relativement à l’acide phytique contenu dans le son d'avoine (l’enveloppe du grain). Certains croient que cet acide, que l’on retrouve aussi dans les noix et les légumineuses, peut se lier au calcium, au magnésium, au cuivre, au fer et tout spécialement au zinc en cours du processus digestif. Conséquence ? Il bloquerait leur absorption, le vilain. L’action de l’acide phytique est complexe et n'obtient pas l'unanimité chez les scientifiques, mais nous savons que faire tremper, fermenter ou cuire (et donc ramollir) ces céréales complètes, je répète complètes, et pourvues de leur enveloppe, dégrade considérablement l’indésirable, fait obstacle à la déminéralisation et ouvre grand les portes aux inestimables bienfaits que comporte l’avoine. Un grain averti en vaut deux !