la liste de mes envies : opération pique-nique écolo
On peut manger à peu près n’importe où et pas mal n’importe quand, mais pas n’importe comment et surtout pas n’importe quoi avec n’importe qui. Réminiscence du « manger nomade », le déjeuner sur l’herbe implique certaines règles d’usage qui allaient déjà de soi à l’époque où Manet choquait les Parigots. Nous sommes désormais bien informés sur l’effet de notre modernité sur notre santé et sur notre planète. Le pique-nique version éthique est inspirant et gratifiant ! Amenons nos chéris croquer des choses supra-bonnes sur le sable redevenu chaud, sur un galet au-dessus d’une eau sortie de ses gonds, dans un parc dont on ne connaît que le nom, entre deux gratte-ciel, dans une chaloupe, dans un verger en fleurs ou… sur le balcon. Si le contexte le permet, entamons la lecture d’une brève dans Détester les pique-niques mais y aller quand même. Moi, je n’ai pas détesté du tout ce livre. On en a dit : « C’est baroque, provocant, original, drôle, tragique, parfois ahurissant. C’est rond comme un carré attendri. »
Racontez-leur« Pique » dérive de « piquer », « picorer ». Comme le font les poules et les pique-assiette dans les soirées. Et non, « nique » et « niquer » ne sont pas liés ! Le mot réfère à une chose sans grande valeur. Pique-niquer, c’est donc picorer dans un paquet de petits trucs simples. Et c’est précisément ce qui constitue sa valeur.
Dérouillez-les
Il y aura 13 cousins, autant de cousines et 22 petits-neveux et nièces ? Tante Annette et mononc Lucius aussi ? Ou seulement votre amoureux ? Il y aura… vous ? Allez ! Be-bop-a-lula !
01. Via Con Me — Paolo Conte
02. Walk on the Wild Side — Lou Reed
03. Lemonade — Dave Moisan
04. Wild World — Cat Stevens
05. They Say It’s Spring — Blossom Dearie
06. Hit the Roads — Joe Bel
07. La madrague — Brigitte Bardot
08. La bicyclette — Yves Montand
09. These Boots Are Made for Walking — Nancy Sinatra
10. On n’est pas là pour se faire engueuler — Boris Vian
11. Happy — Pharrell Williams
12. Celebration — Kool and the Gang
13. Happy — Never Shout Never
14. L’eau à la bouche — Serge Gainsbourg
15. Besame Mucho — Cesária Évora
Challengez-les
la vaisselle — Exit le plastique. Le mieux du mieux, bien que plus lourde : la vaisselle lavable. Assez mieux : les assiettes en bambou, en fibre de canne à sucre, en amidon ou en palmier, qui se transforment en engrais en moins de 12 mois dans le composteur. Encore faut-il vraiment les composter. Le summum du mieux : l’assiette comestible en tortilla de maïs ou en galette de riz. La vaisselle en carton recyclé (et sans encres industrielles) est écolo parce que biodégradable, mais son usage unique fait rechigner.
les couverts — Le meilleur choix reste toujours l’objet durable, celui que l’on ne fabrique qu’une seule fois et que l’on se refile de génération en génération. Exemples : l’Opinel ou le Laguiole. Sinon, les ustensiles de tous les jours feront très bien l’affaire.
les torchons — On a développé une véritable dépendance aux serviettes jetables. La logique propose une volte-face vers les torchons de lin ou de coton ! D’abord, on n’est pas si sale et maladroit que la pub nous le fait croire, et le tissu, inusable, fait un aussi beau travail, plus élégamment. Dans le panier, ils permettent d’emballer ce qui risque de casser et après, le vent ne les emportera pas.
la nappe — Même avec une face en coton, la toile que l’on dit cirée, c’est en fait du PVC qui empêche de respirer le bout de gazon sur lequel il est posé. Et ce sont des phtalates (particules chimiques plastifiantes) en migration vers notre portion de salade ou de saucisson. Les fibres naturelles (coton bio, chanvre ou lin), encore une fois, c’est mieux.
l'emballage — Autant que possible, on privilégie la méthode du furoshiki, une technique d’emballage japonaise qui consiste à nouer un carré de tissu de façon à former un paquet.
les liquides — Zéro bouteille en plastique, zéro emballage en carton, que du réutilisable. Une gourde, un thermos. Point. Pour le vin, on espère revoir bientôt la bouteille en verre consignée. Ah oui, évidemment, zappons les pailles, qui s’inscrivent parmi les quelque 8 millions de tonnes de plastique finissant chaque année dans les océans, soit l’équivalent d’une benne à ordures chaque minute.
le solide — Œufs durs, banane, fromage, agrumes ? Les pelures de banane et les cœurs de pomme laissés derrière se décomposent en trois mois environ. Les agrumes mettent le double du temps. Une coquille d’œuf broyée finement apporte des éléments utiles à la terre, mais elle met une éternité à se composter. Une croûte de fromage n’apporte rien sinon une procession d’insectes intéressés. Conclusion : on rapporte tout son butin, et pas une brindille de plus.
Nourrissez-les
On mange quoi ? En priorité, tout ce qui se déguste avec les doigts. Des légumes crus, des rouleaux de printemps, des focaccias, du pain, des pâtés, des fromages, des tapenades, des trempettes, des rillettes, des houmous et des tortillas. Quiches, cakes et tartes salées rendent le partage facile. On ajoute des salades et des fruits de saison, et on boit de l’eau, beaucoup d’eau, quand il fait chaud. On essaie de dire non aux avocats du Pérou et aux kiwis de la Nouvelle-Zélande, par exemple. Pour les dents sucrées, on n’oublie pas de grappiller quelques macarons ?
Protégez-les
Les bactéries ont une prédilection pour les aliments humides et riches en protéines. Autour de 35 degrés Celsius, leur nombre est susceptible de doubler toutes les 15 minutes. Plusieurs milliers de Canadiens sont victimes d'empoisonnement alimentaire chaque année. Conservez vos aliments au frais, à l’ombre, et évitez surtout le coffre de la voiture en plein soleil – un vrai four. Pensez à la glacière, aux sacs réfrigérants. Il en existe de solides en carton recyclé produites chez nous.
Enjolivez-les
Le parfait pique-niqueur instagramable a pensé aux lampions suspendus aux branches d’arbre, aux immenses boules de papier qui tiennent par un fil et aux voilages. Il n’a pas oublié le Frisbee, le ballon de foot, les boules de pétanque, sa casquette, ses lunettes de soleil et sa crème solaire. Avec la petite pince de son couteau suisse en bois, pas en plastique, il prend soin de disséminer harmonieusement les violettes sur la salade de jeunes pousses. Son parasol est blanc, et les bulles bio coulent à flots. Il a choisi par paresse une nappe imprimée qui se moque des maladresses. Il sait aussi, forcément, que la Journée internationale du pique-nique se tient le 18 juin, jour de l’anniversaire de Paul McCartney. Ça vaut bien une autre p’tite toune ça ?
Dirigez-les
Les parcs sont cette énorme cour arrière qui manque toujours à notre quatre et demi. Voici 10 de nos meilleures propositions en cas de panne d’inspiration.
01. Le parc Jarry Son petit lac, son joli pavillon couvert et la foison de ses barbecues multiethniques apportent beaucoup de charme aux 35 hectares de ce premier grand parc urbain connecté au Québec.
02. Le canal Lachine Une piste cyclable et pédestre de 14 km s’étend en beauté du Vieux-Port au lac Saint-Louis en longeant les berges du Saint-Laurent. Ça ne doit pas être bien compliqué d’y trouver un bel emplacement pour pique-niquer !
03. La Plage de l’Horloge On aime aller à la plage en métro ! Celle qui scintille au pied de la Tour de l’horloge permet de se remplir les yeux des feux d’artifice pour cinq dollars bien investis.
04. Le Centre de la nature de Laval Un joli parterre de 50 hectares dans lequel ont été aménagés une douzaine de jardins, une ferme et un grand lac que l’on peut explorer en kayak. On se sent loin, loin. Les enfants l’a-do-rent.
05. Le parc-nature du Cap-Saint-Jacques Pierrefonds regorge d’hectares d’une végétation fourmillante de vie. Belle, belle place pour déballer un jambon-beurre et goûter les fruits de la ferme écologique.
06. Le parc de la Gatineau Je vous propose une pause au lac méromictique (dont l’eau profonde ne se mélange jamais à celle qui est en surface) Pink. Il n’est pas rose, il est turquoise ! Une beauté. Un sentier pédestre le ceinture.
07. Le parc Sir-Wilfrid-Laurier Secret mal gardé, je sais. Mais… Jeux de fers, terrains de pétanque, piscine extérieure, pataugeoire en plein cœur du Plateau-Mont-Royal et une abondance de commerces de goût déployés tout autour. On ne s’en fatigue pas.
08. Le parc national des Îles- de-Boucherville On y va en bus ou à vélo via la navette fluviale, on fait ripaille à la brunante et on se fait un vrai beau feu de camp parce qu’on a réservé la formule prêt-à-camper. C’est pas un beau pique-nique, ça ?
09. Le jardin universitaire Roger-Van den Hende Fin mai, les lilas, les pommetiers et les cerisiers sont en fleurs. Profitez-en pour étendre votre nappe dans la verdure du campus de l'Université Laval. Un vrai petit joyau en ville !
10. Le parc de la Petite-Italie Vous n’avez rien préparé, votre heure de lunch est chronométrée et le syndrome de la nappe à carreaux vous a frappé ? La Dinette Triple Crown vous attend en biais du parc avec le panier, la nappe et le brisket fumé.
Oubliez-les
Ah, le pouvoir des mots… Le pique-nique en solitaire a cette vertu : isoler le goûteur et lui faire perdre toute notion du temps.
01. Détester les pique-niques mais y aller quand même
— Claire Antonowicz
Ça se lit comme on mange de précieux canapés, soit par petites bouchées. C’est une fantaisie littéraire qui ne se compare à rien ni à personne. À lire à voix mi- haute, à deux, peut-être.
02. Picasso/Manet Le déjeuner sur l’herbe
— Guy Cogeval
Hitchcock et l’art, Picasso érotique, vous vous rappelez ces expos au Musée des beaux-arts de Montréal ? C’était sous la gouverne de Guy Cogeval. Dans cet album accompagnant l’expo éponyme en 2008, celui qui a assuré pendant 9 ans la présidence du musée d’Orsay fouille et détaille la longue et fertile fascination de Picasso pour le chef-d’œuvre de Manet.
03. Viande froide cornichons
— Édouard Launet
Que des histoires vraies. Aussi drôles que noires. Une cinquantaine d’anecdotes improbables qui font soulever les sourcils et rigoler devant tant d’absurdités. Pas de la grande littérature, mais un anti-déprime qui ne prend pas beaucoup de place dans le panier.
04. Picnic Comma Lightning: In Search of a New Reality
— Laurence Scott
Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Laurence Scott propose une lecture éclairée de notre société moderne en s'interrogeant sur notre rapport à la réalité. Confrontant. Fascinant. Édifiant.
05. L’herbe
— Claude Simon
Tout le contraire du précédent bouquin. De la nostalgie, des impressions, une expérience sensorielle construite avec des mots à fleur de peau. La nature est ici un personnage à part entière.
Illustrations par Nathalie Dion