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Les Carnets
de Josée Fiset

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Jamais sans ma bûche !

Non, la tradition de la bûche de Noël ne provient pas de l’Abitibi ni de l’île d’Anticosti : elle est européenne. Avant l’arrivée de l’électricité, les Anciens célébraient le solstice d’hiver en choisissant un tronc d’arbre dur comme le fer. Ils le décoraient, le bénissaient, le faisaient brûler toute la nuit et le faisaient parfois durer jusqu’à l’Épiphanie ! La modernité nous a éloignés des billots de bois, mais elle nous a approchés d’une adaptation tendre, sucrée, variée et festive à la fois.

Je me souviens d’un homme. Viateur, qu’il s’appelait. Il disait : « Un Noël sans bûche, c’est comme une truite pas d’eau, ça frétille pas fort. Le 25 décembre, faut que ça frétille ! » C’est vrai que sa fiancée, Béatrice B., une Européenne un peu ronde avec des pommettes roses comme deux pêches mûres de l’Ontario, cuisinait et cuisine toujours une bûche au beurre comme jamais je n’en avais goûté !

J’ai espéré un jour hériter de sa science, mais un grain dans l’engrenage de ma vocation a entravé mon succès. Cela dit, je me souviens !

Avec la précision d’un parfumeur, elle infusait son espresso — absolument du java noir — jusqu’à le concentrer, noir, noir, dans deux ou trois cuillères à soupe. Elle séparait ses œufs avec doigté, les montait et les pliait dé-li-ca-te-ment. Et quand arrivait le moment de rouler sa génoise, légère comme un nuage, on aurait dit qu’elle langeait un grand prématuré dans son linge immaculé. Chaque geste était précieux, respectueux, calculé. Pourtant, presque rien ne passait par la tasse à mesurer.

Je la regardais couper les extrémités, en mettre une en réserve en m’adressant un petit clin d’œil, et improviser des faux nœuds avec le reste. Pas beaucoup de nœuds, parce qu’on s’était enfilé la « tranche de trop », sous prétexte de tester le morceau.

« La première bûche est la plus stressante », disait Béatrice. Les questions fusent. Y a-t-il assez de sucre ? Fond-il bien dans le beurre ? Les blancs d’œuf sont-ils assez fermes ? Après, les autres, c’est du gâteau. Facile. »

Fut un temps où elle concevait des petits villages décoratifs. Après, son glaçage imitation écorce était parsemé d’angélique confite ou de violettes cristallisées. Maintenant, less is more. Un ou deux petits nœuds — ou même zéro nœud —, et c’est bon. Je seconde !

Les billots de Béatrice ont un propos, une aspiration. Elle les cuisine pour ceux qu’elle aime, mais aussi et surtout pour amasser des fonds pour une maison d’hébergement dédiée aux jeunes filles en difficulté. Une bûche, c’est une chaleur, un crépitement, c’est rassurant, c’est rassembleur. Ça fait du bien.

La multiplication des rondins

Première Moisson fait plus ou moins la même chose que Béatrice, mais avec une préparation au chocolat et au praliné plutôt qu’au moka. Quoique… Ça dépend des années. Béa en bichonnait peut-être une vingtaine; Première Moisson en génère plus de 10 000, chaque année.

« Pourquoi nos bûches sont-elles exceptionnelles, soulève Josée Fiset, copropriétaire et porte-voix de Première Moisson ? Parce qu’elles reposent sur des standards de qualité et de naturalité vraiment, vraiment élevés. » Les pralinés sont préparés maison avec du sucre de canne non raffiné, les glaçages sont exempts d’arômes artificiels et de colorants, et les émulsifiants sont bannis des génoises. En cuisine, les meringues sont pliées à la main, et les dacquoises sont cuisinées en nombre réduit.

La base des bûches, c’est essentiellement un biscuit très simple, très fin et souple, une ganache soyeuse et une crème au beurre, disons-le, décadente. « Lorsqu’on a développé notre volet pâtisserie, poursuit-elle, on a embauché une sommité, car on savait fort bien qu’on était des boulangers, pas des pâtissiers. On a invité Jean-Pierre Schmitt, de la maison Dalloyau au Japon, à venir ajouter ce wagon sur nos rails et à faire en sorte que nos pâtisseries soient les meilleures… en Amérique du Nord ! On doit beaucoup à cet homme de grand talent. »

Produire du volume implique généralement une automatisation. Notre approche est plutôt artisanale. En cuisine, elle repose sur la précision de nos structures et sur la multiplication de petits lots.

Pas de repos pour les braves

Première Moisson est une machine à réinventions, et le concept de la bûche n’échappe pas à cette loi de l’évolution. Motivée par le désir de s’exprimer sans contraintes, l’entreprise a initié le concept de la bûche signature. Il s’agit d’une petite production distincte de son éventail de bûches traditionnelles qui fait fi des coûts d’exécution.

Le designer Jean-Claude Poitras a été le premier, en 2012, à décoiffer les codes du dessert traditionnel en l’habillant d’un bustier en chocolat et en lui donnant des accents du Moyen-Orient.

Les années suivantes, des collaborations ponctuelles avec le Cirque du Soleil ou l’Opéra

de Montréal, par exemple, ont solidifié l’enracinement de notre tradition. Pour chaque bûche signature vendue, un montant de 20 $, soit un minimum de 20 000 $, a été versé à La Tablée des Chefs.

En 2016, cependant, ce sont les adultes atteints d’un trouble du spectre de l’autisme qui ont bénéficié de l’initiative. Pour le bien de cette cause chère à Véronique Cloutier, la blonde femme-orchestre a fait essaimer entre Montréal, Québec et Gatineau 1600 bûches signatures, soit le double de la production de ses prédécesseurs.

L’an dernier, la même somme a permis à la Fondation des Canadiens pour l'enfance, axée sur l'activité physique et l'adoption de saines habitudes de vie, d’intensifier ses actions auprès des jeunes défavorisés de 4 à 17 ans.

Le classique repensé et millésimé

Cette année, Josée est l’instigatrice de la bûche signature. « J’aime prouver qu’il est possible de reconsidérer et de bonifier ce que l’on connaît, dit-elle, alors j’ai mis nos chefs au défi d’imaginer une bûche ultragourmande, exempte de produits laitiers, dans laquelle la farine est remplacée par des noix broyées. »

Les cogitations ont mené à l’Audacieuse, une généreuse dacquoise à la pistache doublée d’un biscuit Joconde, garnie d’une mousse au chocolat noir et d’un coulis de griottes. Montréal-Québec sur les genoux pour une tranche de cette délicieuse indécence !

« Je ne peux pas dire qu’elle est à 100 % sans gluten et sans produits laitiers, car elle est fabriquée dans un lieu qui fait usage de ces matières-là, mais s’il y en a, c’est à l’état de traces. » En même temps qu’elle rallie tous les gourmands, elle répond au désir d’un grand nombre de personnes qui ont modifié leurs habitudes alimentaires.

L’accueil Bonneau, cet organisme à but non lucratif créé en 1877, dont les plus démunis ont tant besoin, est la cause liée à cet immense plaisir en bouche.

La bûche signature 2018 :

Petit clin d’œil à la mission de l’Accueil Bonneau, la bûche-signature l’Audacieuse prend la forme allongée d’un canapé douillet, prêt à accueillir une personne ayant besoin d’une pause. Créée par Josée Fiset, cette exclusivité se révèle aussi surprenante que délectable.

Quelques-unes des signatures

02 La première bûche en 2011 : Jean-Claude Poitras, 03 La bûche 2013 : La Tablée des Chefs, 04 La bûche 2014 : Cirque du Soleil, 05 La bûche 2015 : Opéra de Montréal, 06 La bûche 2016: Véronique Cloutier, 07 La bûche 2017: Fondation des Canadiens pour l'Enfance

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